3. Breton, langue celtique ?

Du 5ème siècle après J.-C. à nos jours


Le breton est la seule langue celtique actuellement parlée en Europe continentale, raison pour laquelle on a fait de la région l'un des principaux lieux de la civilisation celte.

Une langue rattachée au groupe des langues celtes

En réalité, les langues celtiques étaient présentes sur toute la façade atlantique, bien que très peu d'écrits aient été conservés. Parmi elles, le gaulois était parlé en Bretagne dès le 4ème siècle avant J.-C., comme en témoignent les rares inscriptions gauloises retrouvées dans la région.

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Ce graphique retrace l'évolution des langues celtiques, du celtique commun, parlé à l'âge du Fer, aux langues néoceltiques, parlées aujourd'hui. Il prend la forme d'un "arbre généalogique des langues" et a été réalisé d'après l'ouvrage de Francis Favereau, Celticismes – Les Gaulois et nous, paru en 2007. En voici le détail, de l'âge du Fer à aujourd'hui.

Pour la période de l'âge du Fer, on trouve, issus directement du celtique commun, le celtique continental et le celtique insulaire. A la même période, le grec et le latin sont également parlés.

À mesure que la chronologie avance vers la fin de l'âge du fer, le celtique continental donne naissance, entre autres, au galate/gaulois. Le celtique insulaire, lui, donne naissance au brittonique.

Au haut Moyen Âge, l'usage du gaulois disparait peu à peu avec la conquête romaine et l'arrivée du latin, au profit du français. Toutefois, l'apport de la langue britonnique, contribue à revitaliser la langue gauloise, pour donner progressivement naissance au vieux breton. De l'époque moderne à nos jours, le vieux breton évolue et donne naissance au breton actuel. De la même manière, le cornique (parlé en Cornouailles) et le gallois (parlé au Pays de Galles) actuels sont issus du britonnique apparu à l'âge du Fer.

Le celtique insulaire, outre le britonnique, donne également naissance au goïdélique, qui évolue vers le gaélique au Moyen Âge. Aujourd'hui, le gaélique d'Irlande, le Manx (parlé sur l'Île de Man) et le gaélique d'Écosse sont issus du gaélique du Moyen Âge.

Arbre des langues

À l'échelle de l'Europe continentale, l'usage de nombre de langues celtiques, dont le gaulois apparu au 4ème siècle avant J.-C., disparait progressivement avec la conquête romaine et l'arrivée du latin.

En Bretagne toutefois, les migrations des populations de l'actuelle Grande-Bretagne entre le 3ème et le 6ème siècle après J.-C. contribuent à revitaliser une langue celtique en voie de disparition. L'assimilation du gaulois préexistant en Armorique et du brittonique, langue des populations de l'actuelle Grande-Bretagne, donne ainsi progressivement naissance au "vieux breton".

Du 4ème siècle avant J.-C. au 5ème siècle :
aux origines du breton

Lorsque les populations de l'actuelle Grande-Bretagne s'installent à l'Ouest de l'Armorique entre le 3ème et le 6ème siècle après J.-C., elles apportent avec elles leur langue. Cette langue celte, de la branche brittonique, s'implante dans la péninsule au 5ème siècle et assimile vraisemblablement l'ancien gaulois. C'est ce qui donne naissance au fil du temps au "vieux breton" puis au breton.

Le breton n'est cependant pas la seule langue parlée en Bretagne. À l'est de la région, moins concerné par ces migrations, une autre histoire s'est écrite pour former la langue gallèse.

Il faut attendre l'époque moderne pour que le breton devienne objet d'étude. Durant les siècles qui précèdent, il n'est donc pas encore question de rattacher la langue bretonne à une quelconque forme d'identité celtique.

Ainsi, le Catholicon - premier dictionnaire en français/breton/latin – rédigé par Jehan Lagadeuc et imprimé en 1499 à Tréguier est avant tout lié à un usage pratique : il est destiné à favoriser l'apprentissage du latin par les futurs clercs bretonnants, dont certains sont largement déficients en français.

Le breton et le celtisme

18ème et 19ème siècles :
Le breton comme marqueur d'identité

C'est l'étude de la langue qui permet l'élaboration du concept de « peuples celtiques », c'est-à-dire parlant des langues celtiques. Les philologues du 18ème siècle étudient de manière intuitive à la fois les langues anciennes et les langues modernes parlées en Irlande, Ecosse, Pays de Galles et Bretagne.

À partir du 18ème siècle, et surtout du 19ème siècle, le celtisme prend de l'ampleur : on cherche à faire de la Bretagne la terre celtique par excellence. Dans ce contexte, la parenté entre breton et gaulois est affirmée. Puis le 19ème siècle est l'âge d'or de la linguistique celtique dont l'enseignement commence à Rennes en 1890.

Page de titre de l'ouvrage Antiquité de la nation et de la langue des Celtes, autrement appelez Gaulois, imprimée à Paris en 1703.

Antiquité de la nation et de la langue des Celtes, autrement appellez Gaulois.

Paul-Yves Pezron (auteur)
1703
Bibliothèque des Champs Libres, Rennes

Page manuscrite du Dictionnaire étymologique de la langue bretonne, par Louis Le Pelletier, datant de 1733.

Dictionnaire de la langue bretonne, où l'on voit son antiquité, son affinité avec les anciennes langues, l'explication de plusieurs passages de l'écriture sainte, et des auteurs profanes, avec l'étymologie de plusieurs mots des autres langues par Dom Louis Le Pelletier

Manuscrit
Louis Le Pelletier (auteur)
1733
Bibliothèque des Champs Libres, Rennes
Portail des collections

Page de titre de l'ouvrage Grammaire celto-bretonne, de Jean-François Le Gonidec, nouvelle édition imprimée en 1838.

Grammaire celto-bretonne

Jean-François Le Gonidec (auteur)
1838
Bibliothèque des Champs Libres, Rennes

20ème siècle :
Celtisme et breton, objets de recherche

À cette période, les questions linguistiques continuent de s'affirmer sur fond d'affichage d'une identité culturelle (Charte culturelle bretonne, 1977).

Plusieurs théories sur l’origine de la langue bretonne se sont affrontées depuis le début du 20ème siècle : Joseph Loth prêchait pour un celtique insulaire totalement importé, comme plus tard Léon Fleuriot à partir des années 1960, tandis que le chanoine Falc’hun voyait dans le breton le continuateur direct du gaulois…

Parallèlement, le celtisme devient un objet de recherche, mêlant histoire, sociologie, ethnologie, linguistique, pratiques culturelles, à l'instar des travaux de Donatien Laurent, second directeur du Centre de recherche bretonne et celtique de Brest, créé en 1969.

Donatien Laurent

Photographie de Donatien Laurent, en 2014, lors de l'inauguration du jardin portant son nom à Locronan. Sur la plaque est inscrit : "La Troménie : un rituel de sympathie entre le ciel et les hommes.".

Donatien Laurent

Photographie
Donatien Laurent (1935-2020)
© Fañch Broudic

Né en 1935, Donatien Laurent s'intéresse très tôt à la musique instrumentale bretonne et intègre à la fin des années 1950 la commission technique de la Bodadeg ar Sonerien, association regroupant à partir de 1943 les musiciens traditionnels bretons. À partir de 1957, il se consacre à l'étude des langues et littératures celtiques, et débute un cursus en ethnologie. L'analyse des carnets de collecte originaux de La Villemarqué, auteur du Barzaz Breiz, fait l'objet de sa thèse, soutenue en 1974 et publiée en 1989.

Ses travaux, internationalement reconnus, ont contribué à éclairer le travail de collecte mené par Théodore de La Villemarqué. À partir de 1969, Donatien Lorent intègre le Centre de recherche bretonne et celtique au sein de l'Université de Bretagne occidentale, dont il prendra la direction en 1987. Ses recherches, notamment sur la tradition orale, ont largement contribué à la connaissance de la littérature bretonne. Ses travaux sur la grande Troménie de Locronan ont également permis de mettre en évidence des croyances très anciennes associées au calendrier celtique, et réintégrées au culte chrétien.

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