Les premières relations entre nations celtes, d'abord fondées sur des critères linguistiques, remontent à 1838 lorsqu’une délégation bretonne est accueillie au pays de Galles. Né en Grande-Bretagne au 18ème siècle, le mouvement néo-druidique gagne la Bretagne à la fin du 19ème siècle, imitant le modèle gallois. Il prend rapidement une place considérable dans l’essor du mouvement breton. Un premier festival interceltique se tient en 1927 à Riec-sur-Belon.
3. Régionalisme et panceltisme
De la fin du 19ème siècle à 1945
Une communauté celtique étendue ?
Au tournant des 19ème et 20ème siècles, débute la construction d'une identité régionale distincte de la France, sur fond de panceltisme. Ce courant de pensée affirme l'existence de liens et d'intérêts communs avec les pays voisins de langue celtique (Pays de Galles, Écosse, Irlande).
Intellectuels et militants bretons tissent ainsi des relations approfondies avec ces pays et de premières fêtes celtiques sont organisées dans les années 1920. Ce sont tout autant des rassemblements du mouvement druidique récemment apparu et inspiré de Grande-Bretagne, que des manifestations du mouvement culturel breton.
Durant l’entre-deux-guerres, des groupes nationalistes s’approprient et politisent les idées celtisantes, considérées comme régénératrices pour la Bretagne.
Irlande à jamais !
Ode aux martyrs de 1916 (Chapitre IV)
Ecrit en 1919 par Camille Le Mercier d'Erm, poète et l'un des fondateurs du parti nationaliste breton (PNB) en 1911.
Texte lu par Simon Gauchet
Montage sonore par Arnaud Géré.
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En avril 1916, l'Irish Republican Brotherhood (IRB) déclenche une insurrection à Dublin contre la domination britannique. Patrick Pearse, l'un des leaders du mouvement, proclame la République d'Irlande. La révolte est un échec militaire sanglant, et aux nombreux morts des combats s'ajoutent les exécutions des principaux meneurs du mouvement (Pearse, MacDonagh, Clarke, Connolly ...). Camille Le Mercier d'Erm, fondateur du premier parti nationaliste breton (PNB) en 1911, publie en 1919 une ode à cette tentative de libération du peuple irlandais. L'ouvrage Irlande à jamais ! Ode aux martyrs de 1916, glorifie le sacrifice et la lutte de ces "frères d'Irlande". Voici le chapitre IV de ce livre :
Mourez ! mourez ! vous tous qui luttiez pour l'Irlande,
Ô mes frères, ô vous ses plus nobles enfants.
Votre vie était sainte et votre mort est grande
Et votre mort vous défend.
Votre mort vous défend contre leur basse injure...
Mourez, Patrik et Will Pearse, Clarke, oh ! mourez,
Mac-Dermott, Mac-Donagh, ô vous que transfigure
Un héroïsme sacré !
Mourez, Ceannt, Connolly, Plunkett, mourez, mes frères !
Mourez, Mac-Neil, O'Hannahan, O'Rahilly !
Mourez, vous tous, puisque les destins sont contraires !
Mourez, Skeffington, Daly !
Meurs, ô toi qui menais la brigade irlandaise,
Au Transwaal, coutre les Anglais, Mac-Bride, et toi,
Casement, dont le supplice a fait rugir d'aise
Toute l'Albion sans foi !
Mourez, mourez d'avoir dévoué votre vie !
Dormez du grand sommeil sans crainte et sans remords !
Je vous chante et vous pleure et vous aime, et j'envie
La splendeur de votre mort.
Hosannah ! gloire à vous, à vous tous, hommes braves,
Aux illustres, à ceux dont j'ignore les noms,
À tous ceux que l'Anglais n'aura pu rendre esclaves
Sous le feu de ses canons.
Gloire à tous les Gaëls qu'un saint espoir anime !
Gloire aux Sinn-Fein tombés pour leur rêve éternel !
Gloire aux justes trahis, gloire aux fils magnanimes
De Patrik et d'O'Connel !
Gloire à ceux qui t'ont fait leur intégrale offrande,
Bamba ! gloire à leur geste impétueux et beau !
Gloire à la jeune République de l'Irlande,
Vivante dans son tombeau !
Ah ! reposez au sein des terres maternelles,
Frères, et que le Trèfle rouge sur vos corps
Fleurisse, et que la harpe aux plaintes solennelles
Vous berce de ses accords !
Dormez, Celtes, au chant de la Harpe sacrée,
De la Harpe d'Eir-Ean qu'un sang noble empourpra,
Dormez en attendant l'heure tant espérée...
L'Irlande vous vengera.
Artistes et inspiration celtique
Mais la période est surtout celle de l'invention consciente d'une certaine image de la Bretagne véhiculée par le tourisme et le folklore. Des courants artistiques puisent abondamment dans les thèmes d'un héritage celtique réinterprété, comme le mouvement Ar Seiz Breur.
Dans leur volonté d'associer tradition et renouveau, les membres des Seiz Breur accordent au mobilier une place singulière qu'ils concrétisent lors de l'exposition des arts décoratifs de 1925. Si Jeanne Malivel et René-Yves Creston en sont les designers, la réalisation est confiée aux ébénistes Gaston Sébilleau, Joseph Savina, ou encore Christian Lepart. Lignes robustes, pans coupés, sobriété des formes et des motifs sculptés associent fonctionnalité et inspiration celtique renouvelée.
René-Yves Creston et Pierre Péron s'associent pour créer une collection de bijoux et de pièces d'orfèvrerie utilitaires. Formes et motifs sont le fruit de leur créativité, la réalisation est confiée à l'orfèvre parisien Rivière. Cette collection regroupe bagues, bracelets, broches, pendentifs, boucles d'oreilles…ornés de motifs inspirés du vêtement bigouden et de l'héraldique bretonne. Le triskell y occupe une place de choix.
Le domaine de la céramique est celui dans lequel création et diffusion ont été les plus abouties. Avant même les Seiz Breur des artistes comme Mathurin Méheut ou René Quillivic ont ouvert la voie grâce au soutien des manufactures quimpéroises.
Si la thématique bretonne est bien présente, elle est associée tant par la forme que par le décor à une modernité beaucoup plus large, inspirée notamment du mouvement Art déco.
- Le néodruidisme
- Les Seiz Breur